L'écrivain Jòrgi Gros raconte sa rencontre avec Prévert chez Célestin Freinet à Vence et son mariage entre un protestant et une catholique.
Una annada, siái anat, convidat per Freinet… aviá convidat lei responsables despartamentaus. Donc i anère. Ère a Vauvert encara. A Vauvert aviái un cors preparatòri, apreniái a legir ais enfants, e a l’epòca n’i aviá trenta cinc dins la classa. Mai enfin, èran ben bravets. Donc siái anat en cò de Freinet e li siam passat dos ò tres jorns. E donc aviá convidat Picasso, perdequé èra a Vença, dins la… pòde pas dire la banlega. Benlèu ara se ditz la banlega de Vença. E a l’epòca, l’escòla Freinet… Freinet estent sortit de l’educacion publica per faire çò que voliá. Donc li siái anat e donc aviá convidat Picasso, Jacques Prévert que passava sei congiers, sei campò a Vença e puèi n’i aviá un autre, me rapèle pas pus son nom, enfin n’i aviá tres. Picasso diguèt que s’escusava, que podiá pas venir perqué èra ocupat. E leis autres son venguts. E alòr un detalh es que, quand Prévert arrivèt, tot lo monde meteguèt son assieta darrier sa tèsta per faire : « Siam de Sants, Sant Machin, Sant Chouette… »
Per galejar !
E alòr Prévert rigolèt e sas que Prevert sirotava… e me rapèle que..
Coma èra Prévert ? Èra simple ?
Fòrça simple. Aviá respondut a Freinet – es Célestin (Freinet) que nos o diguèt : « Oh, il y a des professeurs. Parce que s’il y a des professeurs, moi je viens pas ! Mais si c’est que des instituteurs, alors je viens »
Mon paire èra uganaud, practicava pas, aviá fach la guerra de 14 n’aviá pron vist, aviá tot comprés !
Anava pas au temple ?
Non, pas jamai. Pamens, trabalhava per de monde, de patrons uganauds de Nimes. Quand nos maridèrem ambé l’Yvette, èra catolica. Alòr l’Yvette anèt veire son curat e li diguèt : « Voilà, Monsieur le curé, je voudrais me marier. Est-ce que vous voulez nous marier parce que je vous avertis que mon fiancé est protestant. Oh ! il a dit, non. Il faut absolument qu’il change de religion. Alors elle lui a dit : Eh bien Monsieur le curé, puisque c’est comme ça, moi, si on me demandait de changer de religion, je n’en changerais pas. Et lui, je pense que je ne lui demanderai jamais ça. » Tac ! Es aquò, après, es un pastur que nos maridèt, que demandèt pas ren ! O sabiá e demandèt pas ren.
Uno annado, sièi ana, counvida per Freinet… avié counvida li respounsable despartamentau. Dounc i’anère. Ère à Vauvert encaro. À Vauvert avièi un cours preparatòri, aprenièi a legi is enfant, e a l’epoco n’i’avié trento cinc dins la classo. Mai enfin, èron bèn bravet. Dounc sièi ana encò de Freinet e li sian passa dous o tres jour. E dounc avié counvida Picasso, perdequé èro à Venço, dins la… pode pas dire la banlego. Belèu aro se dis la banlego de Venço. E à l’epoco, l’escolo Freinet… Freinet estènt sourti de l’educacioun publico pèr faire ço que vouliè. Dounc i sièi ana e dounc avié counvida Picasso, Jacques Prévert que passavo si coungié, si campò à Venço e pièi n’i’avié un autre, me rapelle pas pus soun noum, enfin n’i’avié tres. Picasso diguè que s’escusavo, que poudié pas veni perqué èro óucupa. E lis autre soun vengu. E alor un detai es que, quand Prévert arrivè, tout lou mounde meteguè soun assieto darrié sa tèsto pèr faire : « Sian de Sant, Sant Machin, Sant Chouette… »
Pèr galeja !
E alor Prévert rigoulè e sas que Prevert siroutavo… e me rapelle que…
Coumo èro Prévert ? Èro simple ?
Forço simple. Avié respoundu à Freinet – es Célestin (Freinet) que nous hou diguè : « Oh, il y a des professeurs. Parce que s’il y a des professeurs, moi je viens pas ! Mais si c’est que des instituteurs, alors je viens»
Moun paire èro iganaud, praticavo pas, avié fa la guerro de 14 n’avié proun vist, avié tout coumprés !
Anavo pas au temple ?
Noun, pas jamai. Pamens, travaiavo pèr de mounde, de patroun iganaud de Nimes. Quand nous maridèren endé l’Yvette, èro catoulico. Alor l’Yvette anè vèire soun curat e ié diguè : « Voilà, Monsieur le curé, je voudrais me marier. Est-ce que vous voulez nous marier parce que je vous avertis que mon fiancé est protestant. Oh, il a dit, non. Il faut absolument qu’il change de religion. Alors elle lui a dit : Eh bien Monsieur le curé, puisque c’est comme ça, moi, si on me demandait de changer de religion, je n’en changerais pas. Et lui, je pense que je ne lui demanderai jamais ça. » Tac ! Es acò, après, es un pastur que nous maridè, que demandè pas rèn ! Hou sabiè e demandè pas rèn.
Une année, je suis allé, invité par Freinet – il avait invité les responsables départementaux (de l’Ecole Moderne). Donc j’y suis allé. J’étais encore à Vauvert, j’avais un cours préparatoire, j’apprenais aux enfants à lire et à l’époque, il y en avait trente cinq par classe. Mais ils étaient gentils. Donc je suis allé chez Freinet où nous avons passé deux ou trois jours. Il avait invité Picasso parce qu’il était à Vence, dans la… banlieue. Peut être que maintenant on dit la banlieue de Vence. Et à l’époque, l’école Freinet… il était sorti de l’éducation publique pour faire ce qu’il voulait. Donc, j’y suis allé. Il avait invité Picasso, Jacques Prévert qui passait ses vacances à Vence et puis un autre dont j’ai oublié le nom. Enfin, il y en avait 3. Picasso s’était excusé car il était occupé. Les autres sont venus. Et alors un détail : lorsque Prévert est arrivé, tout le monde a mis son assiette derrière la tête pour faire : On est des Saints, Saint Machin, Saint chouette…
Pour plaisanter !
Prévert a ri et tu sais, Prévert, il sirotait… je me rappelle que…
Il était comment, Prévert ? Il était simple ?
Très simple. Il avait répondu à Freinet. C’est Célestin qui nous l’a dit : « Oh, il y a des professeurs. Parce que s’il y a des professeurs, moi je viens pas ! Mais si c’est que des instituteurs, alors je viens»
Mon père était protestant, il ne pratiquait pas, il avait fait la guerre de 14, il en avait beaucoup vu et tout compris.
Il n’allait pas au temple ?
Non, jamais. Pourtant, il travaillait pour des patrons protestants à Nîmes. Quand nous nous sommes mariés, Yvette était catholique. Elle est allée voir son curé et lui a dit :
« Voilà, Monsieur le curé, je voudrais me marier. Est-ce que vous voulez nous marier parce que je vous avertis que mon fiancé est protestant. Oh ! il a dit, non. Il faut absolument qu’il change de religion. Alors elle lui a dit : Et bien Monsieur le curé, puisque c’est comme ça, moi, si on me demandait de changer de religion, je n’en changerais pas. Et lui, je pense que je ne lui demanderai jamais ça. » Tac ! Et ça, après, c’est un pasteur qui nous a mariés, il ne nous a rien demandé. Il savait et n’a rien demandé..
Parler de Nîmes. Les finales sont en provençal rhodanien (dise) mais on sent les influences cévenoles dans la conjugaison « Siái/sièi », « maridèrem/maridèren », avec le pronom neutre « o/hou », avec « ambé » prononcé « endé ».
Prénom Nom : Jòrgi GROS
Année de naissance : 1922
Profession : instituteur retraité
Parcours :
Instituteur responsable de l’Ecole moderne de Célestin Freinet pour le Gard, conteur et écrivain occitan. Une école Calandreta de Nîmes porte son nom.
Entretien de : T.Offre
Date de collectage : 2017-03-08
Lieu : Nîmes