Gaby Demarié, en 1995, évoque la fête de carnaval qu’il a relancée avec des amis après la libération en se référant au souvenir de son propre grand-père, lui-même carnavalier. Il s’agit de souvenirs d’un carnaval populaire provençal avec ses chansons, les chars, les hommes travestis, etc. Un carnaval qui ne survivra pas bien longtemps au contexte de croissance démographique exponentielle du village entre 1970 e 1995.
Cansoun :
Lei fieloua e lei cascavèu
Es tout ce qu’avèn de pus bèu,
La candello que li a dedins
Que nous esclairo lou camin,
Se s’amoussavo, anarié mau,
Tant vaudrié roumpre lou fanau (bis)
Pèr faire Carnavas, falié que lei gènt siguèsson móugu, falié qu’aguèsson un pau begu, alor se fasié lei riboto. L’avié à l’epoco foueço oustau ferma dins lou vilàgi, alor, pèr bando de sèt, vue, dès coumo ’cò, se manjavo ensèmble, e se manjavo… Èro de menu qu’èron pas coumplica, fasian uno bono oulasso de dobo, d’óumeleto, un pau de froumàgi, soulamen l’avié la bonbono de vin sus la taulo e avien pas besoun de metre leis etiqueto sus lei boutiho à l’epoco, lou vin èro lou vin ourdinàri e n’en a qu’aussavon un pau lou coueide, alor, tout lou mounde èro móugu, leis un pèr leis autre, fasien rire…
– Eh ! Gabi, digas-me un pau, Carnavas, coumo èro estigança, v’éu ?
Èro pas dificile, lei proumiéreis annado : un vièi parèu de braio, ’m’uno vèsto estrassado, bourravian acò de paio parce qu’après se brulavo lou dimècre, bourravian acò de paio, li fasian uno tèsto amé de paio, acò èro lou caramentran, acò èro lei proumiéreis annado, puèi après alor, avèn vougu assaja de faire un pau miès, alor, se fasié uno tèsto amé de fiéu d’aram, de grihàgi : se pegavo de papié de fes, de journau, après se pintavo, alor èro un pau pus poulit…
Cansoun :
Parlon un pau de l’Arlequin
Tant paressous que libertin,
’mé soun abit tout pedassa
Pòu remercia la soucietat,
Chascun l’a pausa soun mouçèu,
Es pèr acò que se crèi tant bèu.
L’avié de gènt que de tout l’an sourtien pas, qu’anavon pas dins lei cafè, pèr Carnavas, sourtien, èron móugu, s’enmascavon e uno fes masca, tout èro permés. Lei gènt anavon dansa, anavon… es ce que fasié rire e surtout ce que fasié rire es que touto la poupulacien, tóutei aquélei que l’avié, se couneissien, sabien qu èro. Quaucun d’enmasca que couneisses pas, a ges de charme mais à l’epoco, èro rèn que de gènt dóu païs, l’avié ges d’estrangié e fasien rire de dire aquéu…
Alor leis ome s’abihavon en fremo, amé de lònguei camiso, de faudau, de raubo qu’anavon jusqu’ei pèd e lei fremo se metien lei braio parce qu’à l’epoco, èro pas la modo acò de se metre lei braio.
– Alor, vous vesèn aqui sus uno fotò am’un mourre de pouorc ?
Ah ! bèn, lou mourre de pouarc, acò… Cercave touto sorto de Caramentran, quand m’abihave en fremo, metiéu de boufigo de pouarc parce qu’à l’epoco, travaiave à l’abattoir e acò, aviéu cura uno tèsto de pouarc e leissa que la coudeno, que la pèu e am’acò dessus, jougàvi dóu vióuloun, entre parentèsi, aquéu vióuloun, pèr Carnavas, s’es esclapa e l’ai pus trouva…
Les quenouilles et les grelots
C’est tout ce que nous avons de plus beau,
La chandelle qui est à l’intérieur
Qui nous éclaire le chemin,
Si elle s’éteignait, cela irait mal,
Il vaudrait mieux casser le fanal.(bis)
Pour faire Carnaval, il fallait que les gens soient un peu « joyeux », qu’ils aient peu bu, alors on faisait la fête. Il y avait à l’époque de nombreuses maisons fermées dans le village, alors, en bande se 7, 8, 10, on mangeait ensemble, et l’on mangeait… C’étaient des menus qui n’étaient pas compliqués, on faisait une grosse marmite de daube, des omelettes, un peu de fromage ; mais il y avait la bonbonne de vin sur la table, et l’on n’avait pas besoin de mettre les étiquettes sur les bouteilles, à l’époque, le vin c’était du vin ordinaire. Et certains levaient un peu le coude, alors tout le monde était « joyeux », les uns entrainant les autres, ils étaient comiques…
– Ah ! Gaby, dites-moi un peu, Carnaval, comment c’était organisé ?
Ce n’était pas difficile, les premières années : Un vieux pantalon, avec une veste déchirée, on bourrait tout cela avec de la paille, car ensuite on le brûlait le mercredi ; on le bourrait de paille, on lui faisait une tête avec de la paille, c’était le caramentran , ça c’était les premières années, par la suite on a voulu faire un peu mieux, alors on faisait une tête avec du fil de fer, du grillage : on collait du papier parfois, du papier journal, puis on la peignait, c’était un peu plus joli…
On parle un peu de l’Arlequin
Aussi paresseux que libertin,
Avec son habit tout rapiécé
Il peut remercier la société,
Chacun y a posé son morceau,
C’est pour cela qu’il se croit si beau.
Il y avait des gens qui ne sortaient pas de toute l’année, ils n’allaient pas dans les cafés, pour Carnaval, ils sortaient, ils étaient « joyeux », ils se déguisaient et une fois masqués, tout était permis. Les gens allaient danser, ils allaient… c’est ce qui était comique et surtout, ce qui faisait rire, c’est que toute la population, tout ceux qui étaient là, se connaissait, on savait qui était qui. Quelqu’un de masqué que tu ne connais pas, cela n’a aucun charme, mais à l’époque il n’y avait que des gens du pays, il n’y avait pas d’étranger (à la localité) et c’était amusant de dire : celui-là…
Alors les hommes s’habillaient en femme, avec de longues chemises, des tabliers, des robes qui descendaient jusqu’aux pieds, et les femmes mettaient un pantalon, parce qu’à l’époque, cela n’était pas courant de se mettre en pantalon.
– Alors, on vous voit là sur une photo avec une tête de porc ?
Ah ! eh bien ! la tête de porc, ça… Je cherchais toutes sortes de caramentran, quand je m’habillais en femme, je mettais des vessies de porc parce qu’à l’époque je travaillais à l’abattoir. J’avais vidé une tête de cochon et laissé que la peau, et avec ça sur la tête je jouais du violon. Entre parenthèse, ce violon, pour Carnaval, il s’es brisé et je ne l’ai plus retrouvé…
Le parler de Lançon de Provence est un provençal plutôt maritime, comme celui de Salon. On y trouve les articles définis « lei, dei, ai/ei » prononcé [lei dei ei], les « ò » toniques diphtonguent en [uo] ou [ua] pouorc, pouarc (graphie mistralienne), « coide/couide » se prononce [cueide], le « s » intervocalique de fielosa/fielouso tombe fieloa/fieloua. Le « j » ou le « g » devant e, i, se prononce entre [dz] e [i], assajar/assaja [assa dza] e [assaia], les finales en « agi » vilatgi/vilàgi, fromatgi/fromàgi etc.
Prénom Nom : Gaby DEMARIE
Année de naissance :
Profession :
Parcours :
Entretien de : Thierry OFFRE
Date de collectage : 2017-03-21
Lieu : Lançon de Provence